Groupes de sociétés : des licenciements économiques… (in)justifiés ?

Groupes de sociétés : des licenciements économiques… (in)justifiés ?

Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés économiques telles qu’elle doit se séparer de ses salariés, le motif économique des licenciements ainsi prononcés est établi. Cependant, si ces licenciements sont occasionnés par sa faute ou une « légèreté blâmable » de sa part, ils peuvent être invalidés. Voici quelques exemples pour vous aider à placer le curseur…


Distribution de dividendes : attention à la mesure !

Dans une 1ère affaire, une entreprise, détenue par une société mère, procède à des licenciements économiques. Mais une salariée qui a vu son contrat de travail ainsi rompu conteste son licenciement : elle considère que son employeur est responsable de cette décision.

Ce que conteste, à son tour, l’employeur : l’entreprise a rencontré des difficultés économiques, plusieurs de ses filiales ayant elles-mêmes fait l’objet de liquidations judiciaires. Il rappelle, en outre, qu’un licenciement économique justifié par des difficultés économiques est valable dès lors que l’employeur n’a pas agi avec fraude ou, à tout le moins, avec « légèreté blâmable ». Or, selon lui, on ne peut que lui reprocher de mauvais choix de gestion.

Ce qui ne convainc pas le juge : l’employeur a tout de même, peu de temps avant de prononcer les licenciements (2 ans), versé des dividendes à sa société mère dans des proportions anormales compte tenu du résultat net de l’entreprise, ce qui a provoqué les difficultés financières de ses filiales, puis de l’entreprise. Ces difficultés résultent alors d’agissements fautifs de l’employeur, ce qui prive ce licenciement de cause réelle et sérieuse.


Difficultés financières d’une filiale : passivité = faute ?

Dans une 2ème affaire, une entreprise, détenue par une société mère, procède à des licenciements économiques. Mais des salariés licenciés contestent leur licenciement : ils considèrent que la société mère est responsable de cette décision, en refusant de financer un plan de sauvegarde de l’emploi, alors que sa trésorerie s’est très rapidement dégradée.

Mais le juge donne, cette fois, raison à la société mère : d’une part, la situation de l’entreprise était compromise depuis très longtemps avant même qu’elle ne soit reprise par cette société mère ; d’autre part, la société mère n’a pas à définir, à la place de sa filiale, une stratégie économique et une politique de gestion des ressources humaines.

La société mère n’a pas commis de faute compromettant la bonne exécution par sa filiale de ses obligations et n’a pas non plus contribué à sa situation de cessation de paiement. Les licenciements économiques sont donc validés.


Remédier aux difficultés économiques d’une filiale : une obligation ?

Dans une 3ème affaire, une entreprise, détenue par une société mère, fait l’objet d’une liquidation judiciaire. Ses salariés sont donc licenciés pour motif économique. Ce que certains d’entre eux contestent, estimant que leur entreprise, et particulièrement la société mère, sont responsables de leur perte d’emploi.

Ce que conteste la société mère : pour elle, les salariés de sa filiale sont des « tiers », c’est-à-dire qu’elle n’a rien à voir avec eux. Or, pour que sa responsabilité soit engagée à l’égard de tiers, il faut qu’elle ait commis une faute intentionnelle d’une particulière gravité, ce qui n’est pas caractérisé ici. Elle rappelle, en outre, que le fait de ne pas remédier aux difficultés économiques de sa filiale n’est pas fautif.

Sauf qu’elle n’a agi que dans son propre intérêt d’actionnaire, souligne le juge : elle a cédé gratuitement une licence de la marque à une autre société du groupe ; elle a donné en garantie d’un emprunt bancaire un immeuble de l’entreprise au bénéfice d’une autre société du groupe ; elle n’a pas assuré le règlement des factures partiellement acquittées correspondant aux services assurés par l’employeur au profit des autres sociétés du groupe, etc.

Pour le juge, la société mère a, dans son propre intérêt, concouru à la déconfiture de l’entreprise et à la disparition des emplois qu’elle offrait autrefois. C’est pourquoi, les licenciements sont, ici, privés de cause réelle et sérieuse.


Mauvais choix de gestion = faute ?

Dans une dernière affaire, une entreprise a fait l’objet d’une liquidation judiciaire et a, par conséquent, été contrainte de se séparer de tous ses salariés. Licenciement pour motif économique que ces derniers contestent.

Pour eux, leur employeur a commis une faute conduisant à la liquidation judiciaire et à leur licenciement : il a, en effet, cédé ses plus importantes filiales à bas prix juste avant la procédure collective, faisant ainsi obstacle au reclassement des salariés ; il a, en outre, engagé d’importantes dépenses de fonctionnement, notamment pour assurer la rémunération des dirigeants.

Mais, pour le juge, ces décisions de gestion du dirigeant, quand bien même elles auraient pu aggraver les difficultés économiques de l’entreprise, ne caractérisent pas un manquement à l’exécution de bonne foi du contrat de travail et ne privent pas les licenciements de cause réelle et sérieuse.

Sources :

  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 24 mai 2018, n° 17-12560
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 24 mai 2018, n° 16-18604
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 24 mai 2018, n° 16-22881
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 24 mai 2018, n° 16-18307

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Groupes de sociétés : des licenciements économiques… (in)justifiés ?

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Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés économiques telles qu’elle doit se séparer de ses salariés, le motif économique des licenciements ainsi prononcés est établi. Cependant, si ces licenciements sont occasionnés par sa faute ou une « légèreté blâmable » de sa part, ils peuvent être invalidés. Voici quelques exemples pour vous aider à placer le curseur…


Distribution de dividendes : attention à la mesure !

Dans une 1ère affaire, une entreprise, détenue par une société mère, procède à des licenciements économiques. Mais une salariée qui a vu son contrat de travail ainsi rompu conteste son licenciement : elle considère que son employeur est responsable de cette décision.

Ce que conteste, à son tour, l’employeur : l’entreprise a rencontré des difficultés économiques, plusieurs de ses filiales ayant elles-mêmes fait l’objet de liquidations judiciaires. Il rappelle, en outre, qu’un licenciement économique justifié par des difficultés économiques est valable dès lors que l’employeur n’a pas agi avec fraude ou, à tout le moins, avec « légèreté blâmable ». Or, selon lui, on ne peut que lui reprocher de mauvais choix de gestion.

Ce qui ne convainc pas le juge : l’employeur a tout de même, peu de temps avant de prononcer les licenciements (2 ans), versé des dividendes à sa société mère dans des proportions anormales compte tenu du résultat net de l’entreprise, ce qui a provoqué les difficultés financières de ses filiales, puis de l’entreprise. Ces difficultés résultent alors d’agissements fautifs de l’employeur, ce qui prive ce licenciement de cause réelle et sérieuse.


Difficultés financières d’une filiale : passivité = faute ?

Dans une 2ème affaire, une entreprise, détenue par une société mère, procède à des licenciements économiques. Mais des salariés licenciés contestent leur licenciement : ils considèrent que la société mère est responsable de cette décision, en refusant de financer un plan de sauvegarde de l’emploi, alors que sa trésorerie s’est très rapidement dégradée.

Mais le juge donne, cette fois, raison à la société mère : d’une part, la situation de l’entreprise était compromise depuis très longtemps avant même qu’elle ne soit reprise par cette société mère ; d’autre part, la société mère n’a pas à définir, à la place de sa filiale, une stratégie économique et une politique de gestion des ressources humaines.

La société mère n’a pas commis de faute compromettant la bonne exécution par sa filiale de ses obligations et n’a pas non plus contribué à sa situation de cessation de paiement. Les licenciements économiques sont donc validés.


Remédier aux difficultés économiques d’une filiale : une obligation ?

Dans une 3ème affaire, une entreprise, détenue par une société mère, fait l’objet d’une liquidation judiciaire. Ses salariés sont donc licenciés pour motif économique. Ce que certains d’entre eux contestent, estimant que leur entreprise, et particulièrement la société mère, sont responsables de leur perte d’emploi.

Ce que conteste la société mère : pour elle, les salariés de sa filiale sont des « tiers », c’est-à-dire qu’elle n’a rien à voir avec eux. Or, pour que sa responsabilité soit engagée à l’égard de tiers, il faut qu’elle ait commis une faute intentionnelle d’une particulière gravité, ce qui n’est pas caractérisé ici. Elle rappelle, en outre, que le fait de ne pas remédier aux difficultés économiques de sa filiale n’est pas fautif.

Sauf qu’elle n’a agi que dans son propre intérêt d’actionnaire, souligne le juge : elle a cédé gratuitement une licence de la marque à une autre société du groupe ; elle a donné en garantie d’un emprunt bancaire un immeuble de l’entreprise au bénéfice d’une autre société du groupe ; elle n’a pas assuré le règlement des factures partiellement acquittées correspondant aux services assurés par l’employeur au profit des autres sociétés du groupe, etc.

Pour le juge, la société mère a, dans son propre intérêt, concouru à la déconfiture de l’entreprise et à la disparition des emplois qu’elle offrait autrefois. C’est pourquoi, les licenciements sont, ici, privés de cause réelle et sérieuse.


Mauvais choix de gestion = faute ?

Dans une dernière affaire, une entreprise a fait l’objet d’une liquidation judiciaire et a, par conséquent, été contrainte de se séparer de tous ses salariés. Licenciement pour motif économique que ces derniers contestent.

Pour eux, leur employeur a commis une faute conduisant à la liquidation judiciaire et à leur licenciement : il a, en effet, cédé ses plus importantes filiales à bas prix juste avant la procédure collective, faisant ainsi obstacle au reclassement des salariés ; il a, en outre, engagé d’importantes dépenses de fonctionnement, notamment pour assurer la rémunération des dirigeants.

Mais, pour le juge, ces décisions de gestion du dirigeant, quand bien même elles auraient pu aggraver les difficultés économiques de l’entreprise, ne caractérisent pas un manquement à l’exécution de bonne foi du contrat de travail et ne privent pas les licenciements de cause réelle et sérieuse.

Sources :

  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 24 mai 2018, n° 17-12560
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 24 mai 2018, n° 16-18604
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 24 mai 2018, n° 16-22881
  • Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 24 mai 2018, n° 16-18307

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