Aléa de la justice ou faute de l’avocat ?

Aléa de la justice ou faute de l’avocat ?

Un avocat est chargé par un client de le défendre en justice. Mais le client perd son procès… et toute chance d’obtenir une indemnisation. Ce qu’il reproche à son avocat : il estime que si ce dernier avait anticipé un « revirement de jurisprudence », il aurait gagné. D’où une perte de chance que l’avocat doit indemniser, selon lui…


L’avocat aurait-il dû anticiper un « revirement de jurisprudence » ?

Une entreprise industrielle fait construire un bâtiment. Mais à l’issue des travaux, de nombreuses malfaçons sont constatées. En 2003, l’entreprise engage alors une action en justice contre les constructeurs qui se termine en 2009. La décision est la suivante : les demandes contre les constructeurs sont rejetées.

Dans le même temps, en 2003, l’avocat avait formé un recours contre l’assureur, mais sans succès à nouveau : le recours a été fait trop tard, puisque le juge a considéré qu’au moment où le recours a été formé, il n’était plus possible d’agir contre l’assureur (concrètement, sur le plan juridique, la prescription biennale était acquise : il avait seulement 2 ans pour agir, délai qu’il n’a pas respecté).

2 anciens associés de l’entreprise industrielle décident alors d’engager une action contre l’avocat qui a défendu l’entreprise : ils considèrent que ce dernier a commis une faute en se retournant trop tard contre l’assureur.

Faute que conteste l’avocat : il rappelle qu’à l’époque, la « jurisprudence » n’était pas clairement établie. Des décisions allaient, en effet, dans son sens, qui lui permettaient de considérer que la prescription biennale n’était pas acquise, de sorte qu’il pensait légitimement que son action contre l’assureur était acquise.

Or, c’est à partir de 2009 que la « jurisprudence » a été clairement fixée, précisant que le délai pour agir contre l’assureur était effectivement de 2 ans. Il s’agit donc là d’un aléa judiciaire qui n’engage pas sa responsabilité.

Ce que confirme le juge : les éventuels manquements de l’avocat à ses obligations professionnelles s’apprécient au regard du droit applicable à l’époque de son intervention, sans que l’on puisse lui reprocher de n’avoir pas prévu une évolution postérieure du droit consécutive à un « revirement de jurisprudence ».

Et ici, au regard de l’évolution de la jurisprudence, l’avocat n’a commis aucune faute en n’engageant pas une action à l’encontre de l’assureur dans le délai de 2 ans. L’entreprise industrielle et les 2 anciens associés sont simplement victimes d’un aléa de la justice…

Source : Arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile, du 17 janvier 2018, n° 16-29070

Justice prédictive… ou boule de cristal ? © Copyright WebLex - 2018



 

Aléa de la justice ou faute de l’avocat ?

Aléa de la justice ou faute de l’avocat ?

Un avocat est chargé par un client de le défendre en justice. Mais le client perd son procès… et toute chance d’obtenir une indemnisation. Ce qu’il reproche à son avocat : il estime que si ce dernier avait anticipé un « revirement de jurisprudence », il aurait gagné. D’où une perte de chance que l’avocat doit indemniser, selon lui…


L’avocat aurait-il dû anticiper un « revirement de jurisprudence » ?

Une entreprise industrielle fait construire un bâtiment. Mais à l’issue des travaux, de nombreuses malfaçons sont constatées. En 2003, l’entreprise engage alors une action en justice contre les constructeurs qui se termine en 2009. La décision est la suivante : les demandes contre les constructeurs sont rejetées.

Dans le même temps, en 2003, l’avocat avait formé un recours contre l’assureur, mais sans succès à nouveau : le recours a été fait trop tard, puisque le juge a considéré qu’au moment où le recours a été formé, il n’était plus possible d’agir contre l’assureur (concrètement, sur le plan juridique, la prescription biennale était acquise : il avait seulement 2 ans pour agir, délai qu’il n’a pas respecté).

2 anciens associés de l’entreprise industrielle décident alors d’engager une action contre l’avocat qui a défendu l’entreprise : ils considèrent que ce dernier a commis une faute en se retournant trop tard contre l’assureur.

Faute que conteste l’avocat : il rappelle qu’à l’époque, la « jurisprudence » n’était pas clairement établie. Des décisions allaient, en effet, dans son sens, qui lui permettaient de considérer que la prescription biennale n’était pas acquise, de sorte qu’il pensait légitimement que son action contre l’assureur était acquise.

Or, c’est à partir de 2009 que la « jurisprudence » a été clairement fixée, précisant que le délai pour agir contre l’assureur était effectivement de 2 ans. Il s’agit donc là d’un aléa judiciaire qui n’engage pas sa responsabilité.

Ce que confirme le juge : les éventuels manquements de l’avocat à ses obligations professionnelles s’apprécient au regard du droit applicable à l’époque de son intervention, sans que l’on puisse lui reprocher de n’avoir pas prévu une évolution postérieure du droit consécutive à un « revirement de jurisprudence ».

Et ici, au regard de l’évolution de la jurisprudence, l’avocat n’a commis aucune faute en n’engageant pas une action à l’encontre de l’assureur dans le délai de 2 ans. L’entreprise industrielle et les 2 anciens associés sont simplement victimes d’un aléa de la justice…

Source : Arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile, du 17 janvier 2018, n° 16-29070

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